Artiste-Peintre - illustrateur de fables, Camille Greth s’est acquis une renommée d’artiste dans la vallée de Thann et de Masevaux surtout entre 1925 et 1940, mais il ne semble pas, que notre province d’Alsace ait gardé un souvenir particulier de lui. On le comprendra aisément si l’on songe que Camille Greth est mort, à peine âgé de 47 ans et que cette mort subite soit survenue, en 1942,pendant la tourmente de la guerre où la vie culturelle n’a guère pu se développer et s’épanouir. Bien plus, l’artiste n’a passé que 17 ans dans sa province natale, sur les 27 ans de son activité artistique.
QUELQUES REPERES BIOGRAPHIQUES
1895 : Camille Greth est né à Saint-Amarin, dans la Haute vallée de Thann, Haut-Rhin, le 23 janvier 1895,
1895-1914: Il passe son enfance et son adolescence dans son village natal.
1914 : vers 19 ans, Camille Greth se rend à Paris et étudie à l’Académie des Beaux-Arts. Il est pendant un certain temps l’élève de J.P.LAURENS.
1924 : l’artiste s’installe à Masevaux, puis vers 1935 à Thann.
1935-1939 : C’est la période la plus féconde de son activité artistique consacrée à la décoration de restaurants, de mairies, de salle: de théâtre, et à l’illustration de livres.
1942 Il meurt subitement le 28 février 1942 à Thann,
L’OEUVRE ARTISTIQUE
Camille Greth est à bonne école lorsqu’il est à Paris l’élève de Jean Pierre Laurens, Professeur à l’Ecole des Beaux-Arts, et membre de 1’Académie des Beaux-Arts, Ce peintre, né à Paris en 1875, avait été lui-même, ainsi que son frère Paul-Albert, élève de son père, le célèbre Jean-Paul LAURENS (l838-l92l) dont les tableaux ornent le Musée du Luxembourg, grand peintre d’histoire, d’un talent robuste, connu pour sa science du dessin et de la composition. Membre de l’Institut, Jean-Pierre Laurens, le maître de Camille Greth, ne devait pas manquer de communiquer à son élève tout à la fois l’amour du paysage et celui des portraits d’un dessin vigoureux.
LE DECORATEUR ET FRESQUISTE
Camille Greth est connu comme décorateur de nombreuses salles de restaurants dans sa vallée natale : à Kruth, Seven, Niederbruck et Thann. A Masevaux il se signalera par l’exécution des décors de théâtre du cercle catholique. Il en réalisera aussi à Oderen et au Collège St.Joseph à Matzenheim, où le théâtre était fort en honneur. Sous la direction de R.Rieny il réalise pour la salle de Mairie de Saint-Amarin quatre tableaux rappelant les grands moments de l’histoire de la cité.
Camille Greth se trouve à l’aise avec tous les sujets: son imagination et sa formation parisienne lui permettent d’aborder les tableaux d’histoire sans difficultés insurmontables. Mais c’est sans doute la forêt et les montagnes qui ont marqué son esprit d’enfant et de jeune, vers lesquelles va sa préférence dans les décors qui lui sont demandés.
L’ILLUSTRATEUR
Vers 1920,21 dans 1’Alsace redevenue française murit, parmi les Frères de la Congrégation des Frères de la Doctrine chrétienne, un projet d’édition de livres scolaires spécialement adaptés à la jeunesse d’Alsace. Cette collection allait être dans le prolongement d’une expérience pédagogique qui avait fait ses preuves entre l890 et 1914 : période d’administration allemande où les Frères avaient donné une initiation fort appréciée et efficace à la langue française.
La nouvelle collection de livres scolaires “ la Collection Fritsch” allait être mise en chantier par une équipe de Frères, sous la direction très compétente de Frère Etienne Fritsch. Ce dernier préconisait une méthode simple, attrayante et pratique pour l’enseignement de la langue française dans les écoles bilingues d’Alsace et de Lorraine... La méthode portait sa préoccupation sur l’enseignement de la langue parlée autant que sur les mécanismes raisonnés de la langue. Les auteurs ne se cachaient pas les difficultés énormes que devaient rencontrer des intelligences incultes, aux prises avec une langue étrangère, l’alsacien étant un dialecte germanique. Ils rêvaient d’une méthode attrayante dont les exercices devaient se transformer en véritables jeux. Par la joie, les exercices de vocabulaire et d’élocution devaient être féconds : il fallait se préoccuper d’éveiller et d’entretenir l’intérêt de l’enfant, grâce à l’évocation des êtres vivants, des objets qui se meuvent, des scènes dramatiques. Le héros central devait être l’enfant. Ainsi voulait-on éviter la froide description d’objets tout autant qu'un style trop poétique. L’accent devait porter sur la forme narrative qui crée un besoin de parler, qui offre un fil conducteur à la mémoire, et qui tienne suffisamment compte des intérêts de l’enfant et de son besoin d’activité.
Et voilà la consigne pédagogique que les auteurs de la Collection devaient aussi proposer à l’artiste illustrateur. A qui allait-on confier cette illustration si importante pour l’efficacité même de la méthode ?
C’est Monsieur Camille Greth qui fut alors contacté. Pourquoi lui, précisément ? Quelques collaborateurs de Frère Etienne Fritsch étaient originaires de la vallée de Thann : Frère Bernard Arnold de Kruth, Fr. Fulrade Klein d’Oderen, Fr. Florian Bauer de Roderen.
La renommée naissante du jeune artiste Camille Greth allait décider du choix. Et c’est ainsi que C. Greth a séjourné périodiquement, durant plusieurs années au Collège St Joseph à Matzenheim, collaborant étroitement avec le maître d’œuvre de la collection, Fr. Etienne Fritsch.
De ce séjour à Matzenheim de Camille Greth, plusieurs témoins sont encore vivants et s’en souviennent avec joie, et reconnaissance. L’artiste était d’un abord simple, grand causeur, brillant narrateur, s’adonnant avec passion à son travail. Il était entré de toute son âme dans le projet pédagogique proposé si bien que Frère Etienne Fritsch, dès la première édition (“ Je parle français, Premier degré”) a pu écrire avec reconnaissance : “ la méthode a été rendue attrayante et intéressante par une illustration aussi abondante et soignée. A la valeur documentaire des petits dessins M. Camille Greth a su joindre cette poésie indéfinissable qui charme l’enfant, captive l’esprit, affine le sentiment esthétique, en procurant à l’enfant une joie des plus vives et des plus pures.”
Dans la Préface du “ Je parle français - Second Degré”, l’auteur remercie encore l’artiste : “ l’excellent artiste Camille Greth a bien voulu consacrer à l’enfance les ressources d’un rare talent d’illustrateur et d’un cœur plein de sympathie pour cet âge d’or, où nous aimons à retrouver avec le poète ces deux signes jumeaux de paix et de bonheur Jeunesse de visage et jeunesse de cœur.”