Et si Matzenheim m'était conté ?

Un bouquin émouvant dédié aux Frères de Matzenheim


Le comité des Anciens du Collège de Matzenheim a mis en chantier un livre sur l’histoire de l’école, de sa fondation aux évolutions impressionnantes du XXIème siècle.

Pourquoi et comment l’école a-t-elle été créée, comment y vivait-on avant la guerre, et puis après ? Comment cette institution religieuse a-t-elle pris le virage des années plus libérales, après 1968 et celui des années 80 ?

Des Anciens racontent, entre sérieux et rire, leurs “angoisses” de gosses, leurs bêtises de potaches et les valeurs inculquées par des Frères et des professeurs dévoués à leur éducation.


L’ouvrage tant attendu vient de paraître et déjà il suscite un réel engouement auprès des Anciens du Collège de Matzenheim. La saga des Frères vient d’être publiée sous un titre qui rappelle aux plus anciens d’entre nous, cette fresque historique des années 1950 d’une toute autre dimension, immortalisée au cinéma par Sacha Guitry : « Si Versailles m’était conté », tout le monde aura fait le rapprochement. Mais force est de reconnaître que l’inspiration de Nicole Laugel est heureuse, tant ce titre colle à l’idée qu’elle s’était faite de ce que cet ouvrage devait ne pas être, une rétrospective chronologique et minutieusement avérée des faits, comme l’aurait faite un historien. Il valait beaucoup mieux mettre l’accent sur l’épisodique, le vécu de tous les jours en se basant sur la spontanéité et la sincérité de ceux qui témoignent pour faire surgir des brumes du passé une image aussi réaliste et aussi ressemblante que possible, un peu à la manière des peintres impressionnistes. Et là bingo !  l’auteur a réussi ce coup magistral de faire revivre à travers ces merveilleux témoignages sans complaisance et néanmoins si pleins de  tendresse, les quelques 150 ans d’histoire des Frères. Pour ce faire, elle a déniché on ne sait pas bien d’où, ce merveilleux journaliste qu’est Frédéric Sirlin, frais diplômé d’une Ecole de Journalisme qui s’était pourtant mis en tête de jouer les grands reporters aux quatre coins de la planète. Mais voilà, Nicole a su trouver les mots justes pour le convaincre de se lancer dans cette aventure provinciale qui, il faut le reconnaître, n’avait rien d’emballant de prime à bord. Et pourtant les démangeaisons de la curiosité finiront par faire leur effet, par soulever plein de questions au point de générer chez lui, un réel engouement pour ce monde de religieux qu’il ne connaissait pas.

Et sans perdre de temps il se met ä rechercher tous ces témoins qui vont faire revivre le passé, tel qu’ils l’ont vécu, qui racontent avec leurs mots les épisodes de leur scolarité, qui se souviennent des faits et gestes qui les avaient concernés à l’époque et qui les jugent tantôt avec sévérité, tantôt avec une bienveillante compréhension. Et Frédéric de mettre à profit la grande émotion qui s’empare de chacun des témoins dès lors qu’il relate les souvenirs de son enfance. Les questions de Frédéric ne sont jamais tout à fait innocentes, elles se veulent anodines et pourtant elles  suscitent chez son interlocuteur, une poussée d’adrénaline du type émotionnel qui le rend loquace à souhait sans qu’il s’en aperçoive. Le journaliste met à profit toutes les techniques qu’il a apprises pour stimuler les souvenirs et inciter à une coopération totale. Et tous les témoins se sont laissés prendre à ce jeu de question-réponse, de bonne grâce d’ailleurs les plus anciens de nos Anciens, notre ami Léon en tête, et tous les autres comme Materne, Richard, Roland, Jean-Paul, Jean-Louis, Pierre, Damien, Jean-Claude, Albert, Martine, Marie-Claude,Pascal, Georgette, Antoine, Robert…

Ce qui ressort de la lecture du bouquin, c’est la sincérité de tous les témoignages et la grande émotion qu’ils génèrent.  En ouvrant le livre, le passé se met à ressurgir comme par miracle et nous fait revivre tout ce que nous avons vécu dans notre jeunesse. On revoit toutes ces images du passé, le look austère des Frères vêtus de leur soutanelle noire, l’exubérance des élèves, toutes générations confondues dans les cours de récréation, l’assiduité des potaches tentant de nettoyer leurs doigts maculés d’encre à coup de pierre ponce, la tristesse de na pas faire partie des veinards appelés pour récupérer le courrier des siens après le repas….. Et les bruits me direz-vous ? Eux aussi, ils émanent du bouquin, presque inconsciemment à force d’avoir été minutieusement répétitifs tout au long de notre scolarité. Alors les sonnettes de fin de classe, les coups de sifflets stridents dans les cours de récréation, les nombreuses plages de silence imposées par le règlement, le tintement lugubre du bourdon de l’Eglise de Matzenheim à 22 heures le soir et à 5 heures le matin, le joyeux carillon de la cloche du Collège sonnant le réveil des Frères et invitant toute la Communauté aux offices on les entend bien sûr, comme si l’ouvrage était doté d’une bande sonore qui se déroule au fil des pages selon une partition bien orchestrée. A la lecture du livre il vous arrive même de percevoir ces odeurs particulières que nous avons connues tout au long de notre scolarité, l’odeur un peu acidulée et âcre émanant des encriers ouverts dans les bancs des salles de classe, l’odeur de l’encens lors des offices solennels à la chapelle ou encore l’odeur épouvantablement pénétrante des désinfectants émis dans les salles de classe pour préserver les élèves contre la grippe en hiver…..

On ne peut que saluer le talent de l’auteur, Nicole Laugel qui nous a fait un bouquin extraordinaire. Elle a été géniale et je suis sûr que les Anciens aimeront cet ouvrage et lui donneront la place de choix qu’il mérite dans leur bibliothèque. On ne peut que rendre hommage au Président et au Comité des Anciens pour avoir encouragé une telle initiative. C’était leur devoir de le faire en guise de reconnaissance aux Frères de Matzenheim. Le rideau est désormais tombé et grâce à ce bouquin, les Frères viennent de rentrer définitivement dans l’Histoire. Le relais a été transmis à une communauté éducative laïque de grande compétence. Matzenheim continuera à briller comme par le passé. Pour nous les Anciens, le Collège restera éternel.

Roland Mislin

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